Sait-on ce que l’on veut ?
Savoir ce qu’on veut, est-ce une question de volonté ?
Qu’est-ce qui nous meut ? Nous met en mouvement ? Nous guide ?
Que penser des phrases : « quand on veut, on peut ? », « Vouloir, c’est pouvoir ? »
Etymologie et histoire :
- A la fin du Xème siècle « passions, désirs, exigences ».
- Vers 1370 « faculté de se déterminer librement à l’action ».
- 1580, Montaigne « cette faculté considérée comme qualité morale, énergie morale »
- « Ensemble des forces psychiques portant à l’action » Pascal (1657)
Quelques pistes :
Distinguer la volonté individuelle et la volonté collective
Choix et volonté : les deux peuvent ne pas coincider
Parfois, on sait ce que l’on ne veut pas.
Deux sortes de volonté : notre volonté propre, et la volonté qu’on nous a inculqué (ce qu’on croit vouloir).
Ce n’est pas qu’une question de raison, c’est aussi une question de ressenti.
Approche philosophique :
- Problème psychologique de la volonté comme faculté de l’âme,
- Problème politico morale de la volonté dans son rapport aux valeurs,
- La morale kantienne définit la moralité comme bonne volonté. L’homme se montre moral quand sa volonté est conduite et déterminée par la forme de la loi, c’est à dire quand il pose l’acte de sa volonté comme universelle. Ce que je peux vouloir pour tous et pour tous les temps est moral.
- Rousseau parle de la volonté générale. La décision politique n’est légitime que si elle correspond à une volonté générale, c’est-à-dire à la volonté de tous les membres de la société en tant qu’elle se détermine relativement à l’intérêt commun. Cette volonté générale constitue le principe de toute société.
- Problème ontologique de l’être dans la volonté.
- Schopenhauer, dans « le monde comme volonté et comme représentation », décrit la nature la plus intime du monde comme un élan obstiné, une poussée aveugle, une dynamique sans but ni raison, ce qu’il nomme enfin la volonté, ici détaché de toute référence aux valeurs, à l’action humaine, à la raison. Elle ne renvoie qu’à un vouloir vivre absurde. Chez Schopenhauer, le vouloir vivre est la force pour la plus grande part inconsciente qui pousse les êtres vivants à persévérer dans l’existence.Les volontés apparemment multiples ne sont que le mode de représentation d’un vouloir plus fondamental. Par exemple, le désir sexuel est une manifestation du vouloir vivre. L’individu croit poursuivre ses propres motifs, mais en réalité il est le phénomène d’un vouloir plus profond, difficilement sondable par la conscience, qui vise essentiellement au maintien de l’espèce vivante à laquelle il appartient. Cette volonté est la seule chose en soi, la seule réalité véritable, le seul élément originel métaphysique dans un monde où tout le reste n’est que phénomène c’est-à-dire simple représentation
- Nietzsche, partiellement influencé par Schopenhauer, concevra lui aussi l’être du monde comme volonté. Toutes les manifestations naturelles, animales, humaines doivent être selon lui comprises comme manifestation d’une volonté de puissance fondamentale. Cette volonté de puissance se laisse décrire selon divers modèles, comme le pur jeu d’une force qui ne trouve d’autres finalités que sa propre affirmation, comme d’une volonté artiste qui sculpte des formes, ou comme un processus de domination qui soumet ce qui lui est inférieur.
- Heiddeger
Wikipedia :
Wikipedia donne deux entrées pour le terme « Volonté » : une à base philosophique et l’autre à base psychologique.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Volonté_(philosophie) :
La volonté désigne généralement la faculté d’exercer un libre choix gouverné par la raison, et en particulier en philosophie morale la faculté qu’a la raison de déterminer une action d’après des « normes » ou des principes (moraux, notamment). En cela elle peut être considérée comme une vertu. Elle se distingue du désir qui peut être incontrôlé ou irrationnel, et de la spontanéité des instincts naturels dont la réalisation ne fait appel à aucune délibération. La volonté est vue par certains philosophes comme l’expression d’un libre arbitre chez un sujet, par exemple entre ses désirs actuels et ses souhaits futurs ; d’autres considèrent néanmoins qu’elle est elle-même déterminée. Le mot désigne aussi la manifestation de sa capacité de choisir par lui-même sans coercition particulière
https://fr.wikipedia.org/wiki/Volonté(psychologie)
La volonté est, en psychologie, la capacité à accomplir un acte intentionnel, consciemment. Ce concept appartient à la fois au champ de la psychologie cognitive, de la philosophie, de la neurologie et de la criminologie.
Ce qu’en dit Charles Pépin :
Il a répondu à cette question « Sait-on ce que l’on veut ? » dans Philomagazine en mai 2023 N°170
Belle et difficile question ! On croit souvent savoir ce que l’on veut, et puis on découvre, avec le temps, que l’on s’était trompé, que ce désir n’était pas vraiment le nôtre mais celui de nos parents, de notre milieu, de notre conjoint… – en tout cas, qu’on ne l’avait pas assez interrogé. Alors s’ouvre une période de remise en question. Elle peut aussi survenir lorsque nous découvrons que nous changeons sans cesse d’avis, que nous voulons une chose et puis plus, une chose et puis son contraire, que nous semblons ballottés comme une feuille dans le vent et manquons de cet axe intérieur, de ce savoir de soi permettant d’identifier ce que nous voulons vraiment. Mais comment y parvenir ?
Première réponse : par l’action elle-même. Elle nous indique parfois, en devenant fluide, « facile », en nous apportant du plaisir, que nos efforts consonnent avec notre véritable volonté. D’ailleurs, nous supportons assez bien la résistance du réel pour cette même raison : c’est parce que nous savons ce que nous voulons que nous sommes capables de le vouloir longtemps, de manière pas trop pénible, en n’étant pas dans la crispation volontariste mais dans une belle et souple insistance de notre volonté. Inversement, lorsque notre action se solde par un échec, il nous arrive de comprendre que c’est parce que nous avons insisté dans une direction qui ne nous correspondait pas.
Deuxième réponse : par l’introspection, la prise de recul, à l’occasion de vacances, d’une retraite spirituelle, d’une période de latence entre deux postes, de « rêveries du promeneur solitaire » semblables à celles de Jean-Jacques Rousseau… Mais le risque est que nous manquions du point de vue de l’autre : il faut souvent une relation d’altérité pour prendre la mesure de son désir.
Troisième réponse : par la psychanalyse ou la psychothérapie. Notre véritable désir, comme l’a montré Sigmund Freud, peut être inconscient, et une parole libre et associative sur le divan amène à l’entendre résonner. Peut-être faut-il le cadre spécifique d’une psychothérapie ou d’un accompagnement professionnel pour que nous cessions de nous mentir à nous-mêmes ou de nous censurer.
Il est souhaitable de combiner ces trois réponses, tout en sachant qu’une vie ne suffit souvent pas à répondre à votre question. Cependant, le simple fait de se la poser rend cette vie bien plus intéressante. Et nous permet au moins d’identifier… ce dont on ne veut vraiment plus !
Le dessin
Libre-arbitre :
Si je ne connais qu’une partie ce qui me fait agir, quel libre-arbitre puis-avoir ?
« L’homme est une production de la nature, c’est-à-dire de Dieu, et à ce titre, il ne se distingue pas des autres animaux, il est un mode de la substance entièrement déterminé. Par contre, il est un mode bien particulier. Dans la lettre à son ami Schuller, Spinoza fait remarquer que les hommes sont victimes de cette illusion de libre arbitre et il ajoute qu’ils ne s’en libèrent pas facilement. Mais si l’homme réfléchit, s’il s’élève jusqu’à l’idée de dieu, il a alors la capacité de se libérer… S’il n’est pas libre au sens du libre arbitre, il est capable de se libérer des illusions, là est la vraie liberté. »
Savoir c’est pouvoir :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Scientia_potentia_est.
Scientia potentia est une locution latine que l’on peut traduire par « Le savoir, c’est le pouvoir ». Elle est généralement attribuée à Francis Bacon. Cependant la première trace écrite de cette expression est dans l’édition latine du Léviathan de Thomas Hobbes.
La racine de cette phrase vient de la langue persane. Ferdowsi (940-1020) un des grands poètes iraniens a dit « Il a le pouvoir, celui qui sait » ou « Celui qui sait, est capable ».
Eléments de conclusion :
A la base, il y a nos besoins et désirs. La volonté est un effort reposant sur une base sociétale, morale. La volonté au sens commun repose sur la raison, mais ce n’est pas uniquement la raison qui détermine un être humain.
Sur la volonté individuelle, qu’est-ce que je veux vraiment ? Pour le déterminer, peut-être faire comme le préconise Charles Pépin (et d’autres) : être à l’écoute de mon ressenti.
Parfois, on ne sait pas ce que l’on veut, mais on sait vraiment ce qu’on ne veut pas. C’est un bon début !
Laisser les enfants se révéler à eux-mêmes, à leur propre désir. La société le permet-elle ?
A la retraite, revenir à ce qu’on voulait vraiment enfant : on adorait peindre ? Alors il faut essayer la peinture. Si on y trouve un épanouissement, il faut continuer.
Apprendre à s’écouter. Ecouter – entendre ce que l’on se dit à soi-même : nos pensées, nos émotions… Je suis heureuse quand je fais telle activité ? alors c’est peut-être cette activité qui me correspond, c’est peut-être cette activité que je dois développer.
Les citations :
Il ne faut pas vouloir être au-dessus des choses, il faut être dedans. Il ne faut pas vouloir savoir pourquoi on vit, il faut seulement vouloir vivre. Vis tant que tu peux et ce sera bien. Charles Ferdinand Ramuz
Si on veut obtenir quelque chose que l’on n’a jamais eu, il faut tenter quelque chose que l’on n’a jamais fait. Périclès, orateur et homme d’état athénien
Au milieu de toute difficulté se trouve cachée une opportunité. Albert Einstein
Accepte ce qui est, laisse aller ce qui était, aie confiance en ce qui sera. Bouddha
Ce qu’on ne veut pas savoir de soi-même finit par arriver de l’extérieur comme un destin. Jung
Si l’on veut connaître un homme, il faut chercher celui vers lequel sa vie est secrètement tournée, celui à qui, de préférence à tout autre, il parle, même quand apparemment il s’adresse à nous. Christian Bobin
La connaissance, c’est savoir que la tomate est un fruit. La sagesse, c’est ne pas en mettre dans une salade de fruits. Auteur inconnu
Le bonheur, c’est savoir ce que l’on veut et le vouloir passionnément. Félicien Marceau
Bibliographie :
- Le désir Frédéric Lenoir
- Le monde comme volonté et représentation. Schopenhaueur
- Philosophie de la volonté (trois tomes) – Paul Ricoeur
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- Dire oui reste mon acte. Oui à mon caractère, dont je puis changer l’étroitesse en profondeur, acceptant de compenser par l’amitié son invincible partialité. Oui à l’inconscient, qui demeure la possibilité indéfinie de motiver ma liberté. Oui à ma vie, que je n’ai point choisie, mais qui est la condition de tout choix possible.
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Nous animons des Café Philo une fois par mois à Neuilly-Plaisance.
Durée 1h30