Le sport
Cet été 2024, le sport nous a amené la joie. Que s’est-il passé pour que ce pays, en général de mauvaise humeur, (re)trouve pendant quelques semaines le goût du bonheur ?
« Le sport a le pouvoir de changer le monde » a dit Nelson Mandela. Alors, peut-il aider à nous amener la paix ?
Qu’est-ce que le sport ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sport :
Le sport, mot d’usage récent (XIXe siècle) dans la langue française, est un ensemble d’exercices physiques se pratiquant sous forme de jeux individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des compétitions.
Le terme de « sport » a pour racine le mot de vieux français desport qui signifie « divertissement, plaisir physique ou de l’esprit ».
Le sport est l’une des pierres d’angle de l’éducation humaniste du XVIe siècle. Les Anciens mettaient déjà sur le même plan éducation physique et intellectuelle. Pythagore était un brillant philosophe qui fut également champion de lutte. La Renaissance redécouvre les vertus éducatives du sport et, de Montaigne à Rabelais, tous les auteurs à la base du mouvement humaniste intègrent le sport dans l’éducation.
Chaque époque a eu son « sport-roi ». L’Antiquité fut ainsi l’âge d’or de la course de chars. Pendant plus d’un millénaire, les auriges, cochers des chars de course, étaient des « stars » adulées par les foules dans tout l’Empire romain. Le tournoi, qui consiste à livrer une véritable bataille de chevaliers, mais « sans haine », fut l’activité à la mode en Occident entre le XIe et le XIIIe siècle. La violence du tournoi cause sa perte, d’autant que le jeu de paume s’impose dès le XIIIe siècle et jusqu’au XVIIe siècle comme le sport roi en Occident. Ce jeu de raquettes embrase Paris, la France puis le reste du monde occidental. Le XVIIIe siècle voit le déclin du jeu de paume et l’arrivée, ou plutôt le retour, des courses hippiques qui s’imposent comme le sport roi des XVIIIe et XIXe siècles. Le football devient ensuite et reste encore aujourd’hui (2018) l’incontestable sport « numéro un » sur la planète.
Il y a aussi des sports intellectuels : Le jeu d’échec est un sport intellectuel, les mots croisés sont un sport cérébral.
ATTENTION : pour faire du sport, se dépenser dans une salle à courir sur un tapis roulant par exemple, il faut dégager du temps libre. Il faut ne pas être harassé physiquement par une journée de travail physique : Le paysan dans son champ ne fait pas de sport, il travaille.
Le choix du sport raconte aussi quelque chose sur les classes sociales, même si le sport s’est démocratisé. Equitation et tennis versus football.
Dans le sport, il y a une dimension ludique, et parfois compétitive. Il y a la notion de divertissement. On se mesure à soi-même et aux autres.
Vérifié plusieurs fois pendant les J.O : le sportif médaillé d’or est heureux, le sportif médaillé de bronze aussi (il a failli ne rien avoir). Le sportif médaillé d’argent souvent pleure (il a failli avoir l’or) …
Le sport libère des endorphines, donne de la joie à celui ou à celle qui pratique, et aussi aux supporters qui s’identifient à leur champion ou à leur équipe.
Le sport à l’école : on parle plutôt d’EPS (Education Physique et Sportive) plutôt que juste de sport. Quel sens donner au choix de ces mots ?
Sport, politique et violence :
De nombreux scientifiques affirment que le sport ne peut être dissocié de la politique, qu’il est même un outil dont se servent les forces politiques. En effet, le sport est une activité très populaire diffuseur de valeurs et d’idées. Il est donc important pour les États de s’en servir correctement car il permet d’unir une population, de la distraire mais aussi pour une autorité, de construire sa légitimité.
Ainsi le sport a été un très bon moyen utilisé par des pays venant d’être décolonisé pour construire une identité en diffusant des symboles nouveaux tels qu’un drapeau ou un hymne lors d’évènements sportifs. Cela a permis d’unifier une population et même pour certains pays de construire un prestige.
Le sport en général est un refuge pour les comportements haineux ; ainsi une étude menée par la Direction Régionale de la Jeunesse et des Sports d’Aquitaine montre que l’homophobie est bien plus élevée chez les sportifs que dans la population générale. Ceci est notamment vrai pour le football, où la xénophobie et l’homophobie ne sont pas rares. Le sport peut aussi être perçu comme un refuge du sexisme, en effet dans la quasi-totalité des sports ce sont les catégories homme qui sont les plus médiatisées.
La sociologie s’intéresse au sport comme à une pratique culturelle socialement différenciée en termes de classe sociale. Quelles sont les catégories sociales qui pratiquent le plus de sport ? Quel type de sport est pratiqué par quelle catégorie ?
Le sport peut être compris comme un exercice physique, un loisir, un jeu, une compétition sportive, une passion, une économie, un spectacle, une aliénation, etc. Toutes les approches sociologiques de chacun de ces domaines sont applicables au sport.
Sport et philosophie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophie_du_sport :
Ont parlé du sport de manière approfondie : Alain, Bachelard, Baudrillard, Bergson, Deleuze, Hobbes, Kant, Merleau-Ponty, Nietzsche, Platon, Rousseau, Sartre.
Sociologue inclassable, Norbert Elias a consacré une partie importante de ses travaux à l’examen du sport, qui influencèrent de nombreux historiens et philosophes du corps et du sport.
La thèse centrale d’Elias, qui ne se limite pas au sport, est que les sociétés occidentales sont marquées par un processus de civilisation consistant en une euphémisation de la violence, en une domestication de l’agressivité. Les pratiques corporelles sont un bon marqueur de cette évolution de la violence, en même temps qu’elles sont un des moyens de la régulation de cette violence.
Ainsi, le « sport » (jugé improprement ici comme du sport, puisque celui-ci consiste justement en une régulation de la violence) de l’Antiquité, des Grecs et des Romains, acceptait une violence en son sein sans commune mesure avec celle d’aujourd’hui. Par exemple, le pancrace allait souvent jusqu’à la mise à mort, et les Grecs n’hésitaient pas à ériger des statues en l’honneur des champions les plus cruels.
Si l’on examine l’humanité sur un temps long, courant de cette Antiquité à nos jours, on constate que la répugnance à la violence va grandissant (même s’il peut y avoir des retours temporaires en arrière, comme avec le nazisme), qu’elle est sans cesse mise hors jeu. Le sport moderne régule ainsi la violence, lui impose des règles.
Le Judo véhicule des valeurs fondamentales qui s’imbriquent les unes dans les autres pour édifier une formation morale. Le respect de ce code est la condition première, la base même de la discipline.
Le Code Moral du Judo en France : Politesse, Courage, Sincérité, Honneur, Modestie, Respect, Contrôle de Soi, Amitié
La paix :
A défaut d’amener la paix collective, le sport peut amener une forme de paix intérieure.
L’idéologie néo-libérale , la valorisation de soi, le dépassement de soi, performer pour performer, la compétition par rapport à soi-même et par rapport aux autres ne sont pas des valeurs qui favorisent la paix.
Le comportement hooliganesque de certains supporters est très problématique et interroge sur la violence inhérente à l’espèce humaine.
Pendant la période enchantée des JO 2024, y-a-t-il une seule bombe qui s’est arrétée de tomber dans les pays en guerre ?
Eléments de conclusion :
Le sport crée de la joie chez les supporters. Il y a identification « on a gagné »
La réussite des JO : Tony Estanguet, un patron à l’écoute, et un chef compétent.
Pourquoi les journalistes parlent-ils de la « parenthèse enchantée des J.O. » ?. Les gens ne demandent qu’à être heureux. Les informations négatives diffusées en continu ont-elles pour objectif de nous faire peur et de nous faire nous tenir tranquille ?
Les médias nous baladent. Voir l’article de Télérama dans le numéro du 25 septembre 2024 sur la droitisation supposée du pays. Extrait :
Parler de droitisation signifie que des valeurs conservatrices, que l’on se doit de définir, deviennent dominantes dans la société, et qu’elles émanent des citoyens. Or ce n’est pas le cas. Quand on réunit les enquêtes sociopolitiques qui existent depuis les années 1970, avec des séries de questions qui ont été reposées régulièrement, on constate combien la société a progressé sur toutes les questions culturelles, mais aussi sur le terrain socio-économique. Entre ce que disent ces enquêtes et le bruit de fond médiatique, il y a divergence.
Beaucoup de responsables politiques et d’experts de plateaux télé sont des ventriloques. Ils font parler les citoyens : « Les Français pensent que… Les Français disent que… » Mais quels Français ont-ils rencontrés ? Une multiplicité de signaux peut être interprétée comme la volonté des Français : messages sur les réseaux sociaux, sondages d’opinion… Or il faut avoir conscience que les sondages peuvent être des éléments de fabrication de l’opinion, comme le soulignait Pierre Bourdieu dès les années 1960. L’angle des questions fera basculer un nombre conséquent de gens d’un côté ou de l’autre. Sur l’immigration, on connaît les questions qui permettent de conclure que les Français sont racistes — ou bien qu’ils ne le sont pas. Et quand un institut de sondage, CSA, qui appartient à la galaxie Bolloré, se met à interroger la notion de «grand remplacement » en février 2022, on sait que le sondage, destiné à la chaîne CNews, vise à imposer ce concept, jusque-là ignoré des Français.
Le sport, une manière d’être ensemble, de se relier, de partager les mêmes émotions.
Cet été 2024, parfois, nous avons eu l’impression d’appartenir à quelque chose de plus grand que nous. Nous n’étions plus dans le « moi-moi-même et encore moi ».
Les citations :
Peu de sujet fait ressortir autant de différence entre les points de vue : Entre ceux qui considèrent que le sport, c’est la guerre, les fusils en moins, que le sport abétit les humains, et ceux qui considèrent que le sport est une école de la vie et peut changer le monde, il y a un grand écart vertigineux !
- Le corps d’un athlète et l’âme d’un sage, voilà ce qu’il faut pour être heureux (…) »Voltaire
- Le sport est le dépassement de soi. Le sport est école de vie. Aimé Jacquet
- Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. Pierre de Coubertin
- Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes les modes, de toutes les époques. Elles sont le sport. Aimé Jacquet
- En sport, tout demande de la détermination. Les trois D : Détermination, Disponibilité, Discipline ; et la réussite est à portée de main. Philip Roth
- Le sport a le pouvoir de changer le monde. Il a le pouvoir d’unir les gens d’une manière quasi-unique. Le sport peut créer de l’espoir là où il n’y avait que du désespoir. Il est plus puissant que les gouvernements pour briser les barrières raciales. Le sport se joue de tous les types de discrimination. Nelson Mandela
- Pratiqué avec sérieux, le sport n’a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence ; en d’autres mots, c’est la guerre, les fusils en moins. George Orwell
- Je crois fermement que le sport est le moyen le plus sûr de produire une génération d’infirmes et de crétins malfaisants. Léon Bloy (romancier français)
- Le sport de compétition est la forme civilisée du conflit. Edgar Morin
- Le sport est en apparence simple, simpliste même : deux camps, une bataille, un gagnant, un perdant, et le lendemain on recommence. Jean Dion
- Le sport, c’est comme le rock’n’roll. Les deux sont des forces culturelles dominantes, parlent tous deux une langue internationale et sont tous deux des émotions. Philip Knight (Nike)
- Le sport est l’espéranto des races. Jean Giraudoux
- Le sport amuse les masses, leur bouffe l’esprit et les abêtit. Thomas Bernhard
Bibliographie :
Norbert Elias, Sport et civilisation : la violence maitrisée, Fayard, 1998
Le sport occupe une part croissante de nos loisirs. Comment expliquer son rôle? A-t-il pour fonction de libérer les tensions que créent les contraintes de la société́? Pourquoi le football, le rugby ou encore la boxe, apparus en Angleterre, ont-ils été́ adoptés dans le monde entier, alors que le cricket ne s’est répandu que dans les pays du Commonwealth?
A quoi correspondent les violences des supporters et des houligans? Norbert Elias voit dans le sport un laboratoire privilégié́ pour réfléchir sur les rapports sociaux et leur évolution.
Il montre que le sport moderne n’a plus grand-chose à voir avec les affrontements guerriers et rituels de l’Antiquité́ ou du Moyen Age. Aujourd’hui, l’Egalité des chances entre joueurs est censée annuler leurs différences sociales. De plus, le code des comportements, la sensibilité́ ont changé, imposant une diminution de la violence autorisée. Autre différence majeure : le plaisir de la pratique, ou du spectacle sportif, tient à l’excitation que procurent des affrontements corporels qui ne sont qu’un simulacre; visant à écarter les risques excessifs, à ne pas mettre la vie en péril, ils permettent à chaque individu de relâcher le contrôle de ses émotions.
Fondamentalement, l’histoire de chaque sport est donc liée à l’apparition de règlements de plus en plus rigoureux qui ont uniformisé les pratiques sportives dans le but de maitriser le déploiement ou le spectacle de la violence.
Nous animons des Café Philo une fois par mois à Neuilly-Plaisance.
Durée 1h30