Thème :

Doit-on respecter les traditions   ?

Le terme « Doit-on » a interpellé nos participants. Pourquoi n’avoir pas plutôt choisi « A quoi servent les traditions ? » 

Vaste sujet donc !

Montaigne s’est bien bagarré avec ce thème : conscient de l’importance des traditions et également de l’importance de les interroger, de les faire évoluer.

Guillaume Cazeaux a écrit un livre sur ce sujet : « Montaigne et la coutume »  https://www.babelio.com/livres/Cazeaux-Montaigne-et-la-Coutume/1045904

Dans le contexte de la découverte du Nouveau Monde, Montaigne pense la  relativité de nos coutumes, de nos lois, de nos croyances et il juge cela inquiétant. Montaigne essaye en permanence de libérer son jugement du joug de la coutume, mais, il  tente aussi de dissuader ses lecteurs de  vouloir l’imiter. Il estime dangereux de casser toutes les traditions, qui sont un peu le ciment du vivre ensemble.

Imaginez un monde sans aucune tradition !?  Alors que l’être humain recherche du sens en permanence…

Nietzsche, pourtant,  est persuadé qu’il faut faire exploser l’ancien monde pour permettre à un homme nouveau d’advenir.

Les khmers rouges ont voulu annihiler  le passé pour créer cet homme nouveau. Ils souhaitaient rallier le plus de cambodgiens possible à leur cause afin de former un régime communiste. Ils ont tenté d’instaurer de nouvelles traditions.

Paul Valéry nous livre cette phrase : « La tradition et le progrès sont deux grands ennemis du genre humain » . Phrase un peu facile (?)., qui ouvre sur cette interrogation : Peut-on ? Faut-il ? opposer modernité et tradition ?

Et si les premières traditions provenaient des mythes ? Mythes qu’on oppose souvent au réel, alors qu’ils étaient la première explication du réel tel que le découvrait Homo Sapiens.

Nous avons fait aussi le lien entre tradition, identité et sécurité : les rituels qu’ils soient individuels ou collectifs nous rassurent. Les rituels collectifs nous font nous sentir appartenir à une communauté.

Puisque nous étions le 17 décembre, nous avons parlé de cette fête de Noël qui ne laisse personne indifférent. Stéphane Focciari en a fait un livre « Survivre à Noël »

Focus sur Noël :

A l’origine, cette fête est en  lien avec les solstices d’hiver. Comment gérer  les jours les plus courts ?

La date du 25 décembre fut fixée vers l’année 300 par Rome, afin de christianiser les rites issus de la culture populaire. Le choix de la date est attribué à Constantin, empereur romain qui se convertit au christianisme au IVe siècle apr. J.-C. et qui souhaite que tout son peuple en fasse autant. Le 25 décembre apparaît alors comme stratégique, car les Romains étaient déjà familiers des fêtes à cette date, dédiée au soleil. Il est en effet plus facile de convertir en ajoutant de nouvelles symboliques à des bases préexistantes.

Ce n’est qu’à partir du IIIe siècle que les Églises d’Orient ont décidé de fêter la Nativité le jour de L’Épiphanie, soit la manifestation de Dieu au monde recevant la visite des trois rois Mages à Bethlehem, les 5 et 6 janvier.

Depuis son appropriation par la culture chrétienne, Noël est bien devenu une fête religieuse. Mais c’était déjà le cas plus tôt, puisque dès l’époque romaine, on célébrait le 25 décembre le culte de Mithra, divinité venue de la Perse et incarnant la lumière. Chez les Celtes également, cette date était liée à la religion païenne qui cherchait à favoriser le retour du soleil après le jour le plus court de l’année.

 

Kant, un homme d’habitudes

Kant parle peu de la tradition, mais il est un homme de tradition, de coutume : se lève à 5 heures du matin, fait sa promenade tous les jours à la même heure par le même chemin.

Origine : 

Le mot « tradition » (en latin traditio, « acte de transmettre ») vient du verbe tradere, « faire passer à un autre, livrer, remettre ».

La tradition c’est  l’héritage qui nous a été transmis, et ce d’abord par voie orale ou par le biais des us et coutumes. En cela elle est liée à la culture et un des vecteurs les plus puissants en est la langue. Celle-ci ne sert pas qu’à communiquer en vue d’assouvir nos besoins présents, elle véhicule une mémoire collective, on pourrait même dire une sagesse collective. L’idée de tradition c’est l’idée de quelque chose qui a fait ses preuves, même si on ne sait pas soi-même comment.

 Synonymes : coutume, rite, loi,  habitude, héritage, pratique, rituel, routine, usage.

 L’ancienneté d’une pratique sociale est-elle un gage de sa légitimité ? Le fait qu’elle ait été transmise ne peut prouver qu’une chose : c’est qu’elle répondait à un moment donné à un besoin.

La coutume et le droit  : 

Vers l’an mil, face à l’effacement du pouvoir royal et du droit romain, une source de droit émerge, dans le ressort de seigneuries de toutes tailles : la coutume.

Les villes méridionales, romanisées, sont les premières à obtenir des statuts, à l’instar de Montpellier (1204), mais ces coutumes rédigées précocement vont rapidement tomber en désuétude. Les juristes romanistes préféreront appliquer le droit romain renaissant, dans ces pays du Midi, qui deviennent « de droit écrit ». Dans la moitié nord de la France, marquée par la présence de juristes canonistes plus accueillants à la coutume, les coutumiers, rédactions privées, se développent jusqu’au XVe siècle.

On voit ici  l’importance des coutumes pour « cimenter » une société.

Evolution des traditions   : 

Doit-on les respecter aveuglément ? 

En Espagne à Villanueva de Vera par tradition un âne était battu à mort le Mardi gras. Des civilisations précolombiennes pratiquaient des sacrifices humains. En France des femmes soupçonnées de sorcellerie étaient brûlées vives. Dans certains pays des femmes sont encore excisées. Fallait-il continuer ces pratiques ?

Tradition ! Tradition ! Que de crimes on commet en ton nom.

CORRIDA : Si l’article 521 du code pénal, incrimine et réprime le délit d’acte de cruauté envers les animaux apprivoisés ou tenus captifs, celui-ci prévoit une exception « pour les courses de taureaux lorsque existe une tradition locale ininterrompue ». Le critère de continuité, nous montre à quel point la « légitimité » que donne la tradition est fragile, pour ne pas dire factice : il suffirait ainsi que la tradition de la corrida ait été interrompue pour qu’il devienne cruel de la pratiquer alors qu’elle ne le serait pas là où on n’a jamais arrêté de le faire !

La tradition de la chasse provoque également des débats houleux. 

Et celle du port d’armes aux USA …

Les citations :

“La mémoire est à la base de la personnalité individuelle, comme la tradition est à la base de la personnalité collective. ” Miguel de Unamuno

“La tradition et le progrès sont deux grands ennemis du genre humain. ” Paul Valéry

“Un grand vin n’est pas l’ouvrage d’un seul homme, il est le résultat d’une constante et raffinée tradition. Il y a plus de mille années d’histoire dans un vieux flacon.” Paul Claudel

“La chanson, c’est le dernier refuge de la tradition orale.” Maxime Leforestier

La mode est une tradition momentanée. Or, toute tradition entraîne avec elle une certaine nécessité : celle de s’y conformer. Goethe

La coutume, ainsi, est le grand guide de la vie humaine. David Hume

La tradition est un guide et non un geôlier. Somerset Maugham

La tradition, c’est transmettre le feu, pas vénérer les cendres. Gustav Mahler

Respecter la tradition et oser l’insolence car l’un ne saurait aller sans l’autre. Christian Dior

 

 Bibliographie : 

Mythologies – Roland Barthes

Une histoire des sciences humaines -Jean-François Dortier p221 :
Au début des années 1950, chaque citoyen consommateur (dont le pouvoir d’achat double entre 1950 et 1968) a pour la première fois accès à un éventail de biens pléthorique. Une véritable culture de la consommation se développe avec ses références, ses codes, sa symbolique et même ses mythes. La publicité pour les lessives joue parfois sur le même registre du combat héroïque entre les forces du mal (la saleté) et celles d’un héros incarnant le bien (l’agent blanchissant).

Montaigne et la coutume – Guillaume Cazeaux https://www.babelio.com/livres/Cazeaux-Montaigne-et-la-Coutume/1045904

Survivre à Noël – Stéphane Floccari. L’objet du livre est de penser cette drôle de fête qui ne laisse personne indifférent. Noël est la mesure intranquille de tous nos liens avec les vivants et les morts.

    Nous animons des Café Philo une fois par mois à Neuilly-Plaisance.

    Durée 1h30

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